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Plus des deux tiers des personnes affectées par le SIDA vivent en Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, il est possible d’accéder énormément d’information sur l’intenet portant sur le VIH/SIDA, mais cette information est-elle véritablement utile aux femmes et aux jeunes de l’Afrique subsaharienne qui sont affectés par le virus ? Comme l’information est souvent protégée par les droits d’auteur et les brevets, ou encore, rarement disponible en langues africaines, l’information sur le VIH/SIDA rejoint difficilement ceux qui en ont le plus besoin. Comme l’accès à l’information est indispensable à la prévention du virus, cela ne sera possible que lorsque les pays et organisations émetteurs de ces informations reconsidèrent les mesures de protection des données.

Le dernier rapport de 2008 de l’ONUSIDA confirme que l’Afrique subsaharienne reste la région du monde la plus sérieusement affectée par le VIH, et représente les deux tiers (67 ) du total des personnes vivant avec le VIH et les trois quarts (75) des décès dus au SIDA en 2007. Environ 1,9 million de personnes ont été nouvellement infectées par le VIH en Afrique subsaharienne.
Dans la riposte à cette pandémie, l’accès à l’information et aux connaissances sur le VIH/SIDA est d’autant plus vital que la prévention contre la maladie et dépend largement de l’information. Il est certain que « comme il n’existe aucun vaccin ou traitement contre le VIH ou le SIDA, l’information est déterminante pour prévenir l’expansion du virus. Grâce à une information très répandue sur le VIH/SIDA, les peuples de l’Afrique subsaharienne peuvent acquérir des connaissances nécessaires pour changer leur comportement face à l’épidémie du SIDA ».

Cependant, le monde de la connaissance est réglementé par les questions de droit de propriété intellectuelle et de droits d’auteur, et les connaissances et informations sur le VIH/SIDA n’échappent malheureusement pas à cela. Dans un monde où il y a un prix à payer pour l’accès à la connaissance, et où celui qui a l’information a le pouvoir, dans quelle mesure les brevets et les droits d’auteur limitent-ils à l’accès à l’information et aux traitements du VIH/SIDA pour les populations africaines, en particulier les femmes et les jeunes qui sont les plus touchés ? La publication en ligne a-t-elle facilité l’accès à l’information sur le VIH/SIDA ? L’information diverse et scientifique sur le VIH/SIDA est-elle accessible aux femmes infectées et affectées par le VIH/SIDA et aux organisations de lutte contre le SIDA ou aux chercheurs africains ?

Il n’est point à douter que l’information sur le VIH/SIDA est aujourd’hui disponible sur internet en plusieurs langues, bien que dominée par les langues occidentales. De nombreux portails et sites internet offrent des informations régulières sur la maladie, la vie positive, le point sur la recherche, les lignes directrices internationales, les guides utiles et les activités menées. Ces sites internet ne sont pas nécessairement tous des initiatives africaines mais couvrent les questions importantes sur le continent.
Par exemple, www.unaids.org, l’un des principaux sites d’information sur le VIH, www.survivreausida.net, www.africaso.net, http://hivaidsclearinghouse.unesco.org/, http://www.catie.ca/, http://www.sida-info-service.org/, entre autres.

Cependant, il y a très peu de créatrices africaines de contenu relatif au VIH/SIDA sur internet, et d’autant moins les femmes infectées ou affectées par le VIH/SIDA elles-mêmes, même si la tendance commence à s’inverser avec la multiplication des réseaux et communautés en ligne (www.reseausida.org, http://remastp.wordpress.com/presentation-du-remastp/).

Par ailleurs, sont-elles également des consommatrices de cette information publiée en ligne, puisque celle-ci est rarement accessible dans les langues africaines. Des initiatives internationales qui ont le mérite d’accroître l’accès à l’information et aux connaissances sur le VIH/SIDA et la santé sont légion. Le blogue « le VIH cette semaine » maintenu par l’ONUSIDA présente une sélection d’extraits de publications importantes sur le VIH et la tuberculose présentées dans des journaux scientifiques. Certains journaux sont accessibles ouvertement, et disponibles aux lecteurs de tout pays par exemple American Medical Association journals (http://pubs.ama-assn.org/), et Public Library of Science journal (http://medicine.plosjournals.org/) entre autres. D’autres journaux n’ont d’accès ouvert aux articles entiers qu’après une certaine période de temps.

Dans la même lancée, l’initiative HINARI (Inter Réseau – Santé Initiative d’accès aux recherches (HINARI ) a été mise en place par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et avec de grands éditeurs. Elle vise à fournir un accès gratuit ou à très bas prix, aux grands périodiques couvrant les domaines de la médecine biologique et des sciences sociales aux établissements publics et à but non-lucratif dans les pays en voie de développement.

Ainsi, à ce jour, près de 5,500 périodiques sont accessibles aux établissements de santé dans 108 pays et fournissent au personnel de santé publique, aux chercheurs et aux législateurs un accès à l’information dans le domaine de la santé, contribuant aussi à une meilleure situation de la santé dans le monde. HINARI permet aussi la reproduction des articles pour les besoins des cours aux membres académiques et le corps enseignant.

Bien que les retombées de la recherche scientifique sur le VIH/SIDA et la santé en général soient nombreuses, ces connaissances sont rarement accessibles aux activistes de lutte contre le VIH/SIDA, et aux personnes infectées et affectées par le VIH/SIDA en Afrique. Les œuvres et produits de la recherche demeurent soumises à la protection des données, et même la publication en ligne n’a pas réduit ces barrières, puisque « la tendance internationale du droit d’auteur a été de restreindre le domaine public, de limiter l’accès à la connaissance et de renforcer la protection, tout particulièrement dans l’environnement électronique. Les traités internationaux, les directives européennes et les lois nationales ont érodé les droits des usagers de l’information ». Il y a des procédures et des dispositions qui sont prises par les États pour les licences, la gestion numérique des droits et de lois sur le droit d’auteur qui deviennent plus restrictives et limitent ainsi l’accès à l’information.

Ce n’est pas toute l’information utile et vitale sur le VIH/SIDA qui soit accessible sur internet. Certains sites sont protégés selon la législation en vigueur dans leurs pays sur le droit d’auteur, surtout dans les pays développés. Cependant pour l’information accessible, généralement, la fiabilité, l’exactitude, l’actualité, l’utilité ou l’exhaustivité de l’information contenue sur les sites internet, ne sont généralement pas toujours garantis. Le problème se pose donc parfois pas uniquement en termes de droits d’auteur, mais aussi de fiabilité de la source d’information sur le VIH/SIDA, dans la mesure où les créateurs de contenu se déchargent expressément de toute responsabilité au sujet des erreurs ou des omissions.

Par ailleurs, sur certains sites internet de ressources sur le VIH/SIDA, les conditions d’utilisation mentionnent bien que tout contenu qui est publié, y compris, les articles, les textes, les photographies, les images, les illustrations, les clips audio, les clips vidéo est protégé par les lois en vigueur dans le pays et les droits d’auteur appartiennent aux fournisseurs de ce contenu et d’autres lois internationales régissant le droit d’auteur et la propriété intellectuelle. L’usage personnel des ressources sur le VIH/SIDA et à des buts non commerciaux est fortement recommandé pour certains sites, tandis que d’autres restent muets.

Selon l’Association française des utilisateurs des logiciels libres, « la mise à disposition d’une œuvre, logiciel ou non, notamment sur l’internet, doit donc être un acte volontaire et explicite. Cet acte s’exprime par l’adjonction d’une licence, qui est un contrat type proposé aux acquéreurs de l‘œuvre (gratuit ou payant) indiquant les droits qui leurs sont concédés, et les obligations éventuelles qui leur sont imposées en échange ».

Pour certains, publier sur des communautés en lignes ou des sites internet, équivaut à renoncer à tout droit d’auteur ; d’autres, utilisent plusieurs types de licences. Par exemple, la licence de Libre Diffusion des Documents permet la lecture, la reproduction, la diffusion, la traduction et la citation des documents par tous moyens et sur tous supports à certaines conditions ; qui reviennent sur la modification et la transmission du document à des tiers. Il y a également l’initiative Creative Commons qui propose une famille organisée de licences. En règle générale, pour les licences de type « contenus libres », il y a des prérogatives morales qui rappellent le respect de la paternité et de l’intégrité de l’oeuvre. En utilisant ces contenus, le nom de l’auteur doit être mentionné et aucune modification à l’œuvre originale ne doit être apportée, sauf si elle est mentionnée avec l’accord de l’auteur. Il y a également des prérogatives patrimoniales de l’auteur qui reviennent sur les droits de reproduction et de représentation.

Au nom des droits d’auteur, les produits de la recherche sont généralement publiés dans des journaux internationaux auxquels les organisations de lutte contre le SIDA, les activistes et les organisations de femmes infectées et affectées par le VIH/SIDA auront difficilement accès à cause du prix élevé. « La commercialisation, des lois restrictives sur le droit d’auteur et des mesures techniques de protection verrouillent aussi d’autres sources d’information africaines. C’est le cas, par exemple, des ressources sur le SIDA qui sont surtout verrouillées par des périodiques coûteux et des archives numériques auxquels les personnels de santé dans les zones rurales n’ont aucune chance d’accéder ». L’information est devenue une marchandise et n’est pas toujours librement diffusée.
La réalisation du droit à la santé pour des millions de femmes africaines dépend en grande partie de l’accès aux infrastructures adéquates de santé et également à l’information vitale sur les maladies et l’accès aux médicaments, notamment les ARV en ce qui concerne les femmes infectées par le VIH. En vertu du droit à la liberté de l’information garanti dans l’Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et incorporé dans la Convention Internationale des Droits Civils et Politiques (ICCPR), dont les pays africains sont partie prenante ; les mesures techniques de protection des œuvres doivent prendre en compte ces aspects, car “ les restrictions des droits d’auteur ont donc un impact majeur sur l’accès à l’information, en particulier dans les communautés historiquement défavorisés et où l’accès à l’information est particulièrement difficile et les ressources bibliothécaires sont limitées”. Les gouvernements de la plupart des pays africains se sont engagés à veiller, à des degrés variés, à garantir le droit à la santé pour leurs populations, dans les constitutions nationales et en signant des conventions internationales.

Ce qui les contraint donc à regarder les questions de santé publique comme prioritaires. Des ONG internationales et des organisations de la société civile africaines multiplient les efforts de plaidoyer pour l’accès au traitement pour les personnes vivant avec le VIH, en majorité les femmes et les enfants sur le continent. Ces organisations ont mené des activités à appeler les « sociétés pharmaceutiques à lever les obstacles liés aux brevets, à divulguer leurs composés moléculaires et leurs procédés afin de faciliter la mise au point de traitements pour les maladies négligées et à mettre leurs banques de composés à la disposition des chercheurs» .

La lutte pour l’accès au traitement des 22 millions de personnes vivant avec VIH/SIDA en Afrique s’avère ardue et les informations actuelles sur cette maladie ne trompent pas. Le rapport de l’ONUSIDA de 2008 reconnaît qu’il « faudra des progrès bien plus massifs pour avancer sur la voie de l’accès universel au traitement et à la prise en charge du VIH. Le nombre des nouvelles d’infections au VIH reste d’année en année supérieur à l’augmentation du nombre des personnes sous traitement anti-rétroviral dans une proportion de 2,5 à 1 …. ».
Afin que les produits de la recherche bénéficient aux femmes et aux filles en Afrique, l’accès doit être abordable. Tandis que de nouveaux médicaments sont brevetés selon les accords sur la propriété intellectuelle, signés par les pays dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ; l’accès aux anti-rétroviraux pour tous reste conditionné par la question du coût. Des coûts qui « vont probablement augmenter avec le temps, au fur et à mesure que les malades sous associations standard de médicaments en doses fixes vont passer à des médicaments plus coûteux de deuxième et troisième intentions ».

Des actions doivent être prises pour faciliter l’accès au traitement, ce qui est pourtant souligné dans la Déclaration du Millénaire des Nations Unies ; que pour combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies, assurer un environnement durable, il faudrait mettre en place un partenariat mondial pour le développement“ en coopération avec l’industrie pharmaceutique, rendre les médicaments essentiels disponibles et abordables dans les pays en développement”.

Des initiatives comme UNITAID ont comblé ce besoin et ainsi facilité l’achat de médicaments, et réduire le prix de médicaments de qualité pour le traitement du VIH/SIDA, du paludisme et de la tuberculose dans les pays en développement.

En résumé, il est reconnu que l’accès aux informations et aux connaissances est indispensable dans la réponse au VIH/SIDA. Les États africains reconnaissent le droit à la santé à travers leurs constitutions nationales et les conventions internationales et doivent continuer les efforts entamés dans la prévention contre le VIH, et la fourniture des soins et du traitement aux personnes vivant avec le VIH/SIDA, sur un continent où l’épidémie s’est féminisée. Les acteurs de la lutte contre le SIDA ont besoin des informations sanitaires stratégiques pour orienter et améliorer leurs interventions. Cela ne sera une réalité que si les décisions prises par les pays et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) prennent en compte ces questions dans les mesures de protection des données, des œuvre et des inventions.

Note: Sylvie Niombo est co-coordonnatrice du programme APC-Femmes-Afrique