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Qu’est-ce que le progrès ? Que considère-t-on comme un avancement ? La localisation du contenu, à savoir sa diffusion dans les langues maternelles des gens ainsi que la promotion d’une langue internationale neutre ne sont-elles pas des caractéristiques essentielles d’une communication progressive et d’une meilleure intercompréhension entre les différentes sociétés ? Pourquoi diffuser prioritairement la connaissance en anglais ? Vue critique de l’utilisation par l’APC de trois langues coloniales.

Qu’est-ce que le progrès ? Que considère-t-on comme un avancement ? La localisation du contenu, à savoir sa diffusion dans les langues maternelles des gens, n’est-elle pas une caractéristique essentielle d’une communication progressive et d’une meilleure intercompréhension entre les différentes sociétés ? Pourquoi diffuser prioritairement la connaissance en anglais ? Vue critique de l’utilisation par l’APC de trois langues coloniales.

L’APC et la diversité linguistique

Nuançons d’abord la virulence de ce début de texte. Il est vrai que le contenu de l’APC, tant sur le site web que dans ses publications, tend à avoir un caractère multilingue. On sent l’effort fait par l’organisation en ce sens. Le site est présentement traduit tant en espagnol qu’en anglais, et ce blogue que j’utilise présentement pour m’exprimer est en français, ma langue maternelle. De surcroit, la prochaine version du site, sur laquelle travaille l’APC depuis un certain moment déjà, sera même offerte en quatre langues : aux trois déjà représentées, on rajoutera le portugais. Toutefois, cela ne change rien au fait que ces quatre langues se sont faites dans le passé ou/et le présent vecteurs d’un colonialisme certain.

Il importe de nuancer encore plus : certains groupes ou éléments de l’APC font des efforts vers le multilinguisme : le groupe WomenAPC traduit présentement ses documents en langue arabe. D’autre part, la charte des droits d’Internet d’APC, élaborée en 2002, est désormais disponible en russe, bulgare, urdu, catalan, etc. Elle sera sous peu traduite en plus d’une vingtaine de langues au total. Il y a donc certaines initiatives particulières au sein de l’APC qui favorisent un plus grand multilinguisme.

Petit rappel

Toute langue parlée par une population importante en nombre rappelle l’héritage d’une colonisation plus ou moins récente : la colonisation de la Chine du Sud par les Chinois du Nord, il y a de cela belle lurette, celle de l’Afrique du Nord et d’une large région en Asie occidentale par les Arabes, celle de l’Amérique du Sud par l’Espagne et le Portugal, celle de l’Amérique du Nord par les Anglais et les Français, et celle de l’Afrique par toutes les puissances impériales de la fin du 19ième siècle. Et ce ne sont que quelques exemples parmi une multitude. C’est ce qu’on appelle l’histoire, et il semble qu‘à cela on ne peut rien changer.

L’histoire nous apprend aussi que la langue des échanges interculturels a toujours été celle de l’empire du moment : grec, puis latin, puis espagnol, puis français, et maintenant anglais. L’impérialisme culturel véhiculé par un idiome aux peuples «subordonnés» ne serait donc pas un phénomène récent. Toutefois auparavant, ce n‘était guère plus que les scientifiques, les voyageurs, les diplomates et les commerçants qui apprenaient la langue «internationale». Il me semble que la globalisation actuelle, qui se conjugue en anglais, touche un public beaucoup plus large et possède des caractéristiques propres faisant d’elle un moment de rupture d’avec le passé : notamment l’augmentation de la rapidité, de l’intensité et de la quantité de flux de l’information, des capitaux, des biens et des personnes, le développement technologique accéléré et la rapidité des communications me semblent être des facteurs pouvant marquer un changement d‘époque.

«Yes, I speak english…»

Tout ceci combiné fait que le mode de vie étasunien et la culture diffusée en anglais se propagent à travers l’entièreté du globe à une vitesse et avec une étendue phénoménales. Présentement, il est du domaine des faits et non des croyances de soutenir qu c’est l’anglais qui domine tant dans les moyens de communication, dans les films, dans la musique, dans les publications, dans les études supérieures, comme langue seconde nécessaire, comme langue commune dans un groupe multilingue, etc. La communication interculturelle semble désormais quasi exclusivement anglophone. C’est une vérité de La Palice de dire que cela va nécessairement avantager les personnes parlant cette langue depuis leur prime enfance au détriment de ceux l’ayant appris comme langue seconde, et a fortiori au détriment des locuteurs d’un idiome n’appartenant pas au groupe indoeuropéen. Par ailleurs, toute langue véhicule une idéologie, une façon de penser ainsi que des valeurs.

On dit souvent de l’anglais que c’est la langue de l’argent, celle du commerce. Il faut bien faire du «big business», non ? Parler anglais, pour quelqu’un pour qui ce n’est pas sa langue maternelle, c’est un peu piler sur son amour-propre, sa fierté nationale. Car parfois, employer la langue de «l’autre», celle du puissant, ce n’est pas seulement se sentir humilié, mais c’est aussi s’embourber dans une structure linguistique qui n’est pas la nôtre, et de là renforcer doublement le sentiment d’infériorité de celui qui doit s’astreindre à parler cette langue qui n’est pas la sienne, mais qui est celle de la première puissance politique, économique et militaire à l’heure actuelle : les États-Unis. Les politologues utilisent le terme d’unipolaire pour décrire ce genre de distribution du pouvoir dans le système mondial.

L’espéranto à la rescousse

La solution pour une communication réellement progressive à l‘échelle mondiale ne se trouve peut-être pas dans une langue qui est d’usage commun dans un point du globe, ce qui avantage automatiquement ses locuteurs. En plus, les langues dites naturelles sont remplies d’exceptions, de difficultés dans leur prononciation et pour leur maîtrise totale, même pour les natifs de cette langue, comme mes erreurs en français après plus de vingt ans d’utilisation semblent le confirmer.

Une langue construite aurait peut-être plus de chance de partir sur des bases égalitaires et démocratiques. Quoiqu’il n’existe pas de langue totalement neutre que l’on peut construire, car l’on part toujours de sons, de référents, de structures syntaxiques et de tous les éléments caractérisant notre propre groupe linguistique, certains idiomes ont déjà été inventés qui tentaient de tendre vers cet idéal d‘égalité.

La plus connue de ces initiatives est l’espéranto, qui a été créé par un polonais, Ludwig Zamehnof vers 1880. Cette langue construite serait présentement parlée par deux millions de personnes à travers le globe. Diverses raisons ont pu pousser ces gens à apprendre une langue «qui n’est parlée nulle part», comme le soutient l’espérantophone (et espérantophile!) Normand F. Legault. « Si on veut intervenir à l’échelle internationale et être en interaction avec des gens de langue maternelle différente de la sienne, il est évident qu’une langue commune est nécessaire pour communiquer. L’espéranto n’étant la langue d’aucun état, d’aucune nation, elle peut ainsi devenir la deuxième langue commune et neutre de tous. L’espéranto est une langue qui favorise l’égalité et la démocratie dans la communication…»

Aurions-nous sous le nez depuis plus d’un siècle déjà la solution à la majorité des problèmes de communication interculturelle, une langue qui ne veut pas dominer ni supplanter les autres, mais simplement permettre des échanges plus efficaces ? Qu’en est-il de sa facilité d’apprentissage ? «L’espéranto est régulier et sans exceptions, que ce soit dans sa grammaire (qui tient sur une feuille) ou sa prononciation. Il s’apprend facilement et beaucoup plus rapidement que les langues naturelles; il peut également servir d’introduction à l’apprentissage d’autres langues naturelles et servir de «pont» entre elles. Par ailleurs, l’espéranto est une langue construite à partir des dites langues naturelles, en utilisant leurs «bons trucs»; enfin, son mode de construction des mots (qui s’apparente à un jeu de ‘lego’) le rend aussi sinon plus souple, nuancé et précis que les langues en usage», de rajouter monsieur Legault.

Depuis 1880, l’espéranto a prouvé qu’une langue construite peut être vivante : des congrès, des cours, des émissions de radio et diverses publications se sont faites dans cet idiome. Il permet déjà une communication efficace et directe entre ceux le maîtrisant, (l’apprendre prend environ 3 mois) ce qui facilite et favorise grandement les échanges interculturels égalitaires.

«L’espéranto n’est pas la langue des maîtres, mais une langue internationale librement choisie par les personnes qui décident de l’apprendre. Il s’agit d’une langue n’appartenant à aucune puissance économique, idéologique ou impériale, portant son propre idéal. Des perspectives très intéressantes pour l’avenir du mouvement altermondialiste pourraient découler d’une introduction progressive et alternative de cette langue», de dire pour conclure monsieur Legault.

Conclusion

Utiliser l’anglais principalement pour communiquer, est-ce que cela tend vers le progrès des communications ? Il est vrai que diffuser les documents dans cette langue permet de rejoindre un plus large auditoire et donc une meilleure diffusion de l’information. Réalistement, c’est présentement l’anglais qui est la langue internationale, la langue du commerce et aussi la langue du savoir. Encore réalistement, son utilisation permet aussi d‘économiser les frais importants nécessaires à la traduction. Je crois cependant que l’espéranto est la voie actuelle pour une communicaion réellement progressive et plus égalitaire. Je crois aussi que le multilinguisme devrait être partie intégrante de l’Association pour le progrès des communications, et je ne parle pas d’un multilinguisme comprenant seulement les principales langues coloniales. Espérons que cette vue critique entamera un débat et un dialogue constructifs… Et rappelons-nous que la diversité linguistique n’est pas une entrave au progrès, mais bien un enrichissement pour l’espèce humaine.

L’espéranto pour le mouvement altermondialiste ?

Site de la société québécoise d’espéranto

Le site Lernu : pour apprendre l’espéranto en ligne

Les principaux documents de l’Unesco sur la diversité linguistique

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