"Étude de faisabilité pour une dorsale Internet ouverte en République démocratique du Congo », voilà comment s’intitule le fruit mûri pendant près d’un an par une équipe de chercheurs aguerris. L’un de ceux qui a mis la main à la pâte à cette étude exhaustive s’appelle François Ménard. Il est chargé de projets auprès de la firme canadienne Xit Télécom. APCNouvelles s’est entretenu avec lui au sujet du déploiement d’un internet à haut débit au Congo.
« Étude de faisabilité pour une dorsale Internet ouverte en République démocratique du Congo », voilà comment s’intitule le fruit mûri pendant près d’un an par une équipe de chercheurs aguerris. L’un de ceux qui a mis la main à la pâte à cette étude exhaustive s’appelle François Ménard. Il est chargé de projets auprès de la firme canadienne Xit Télécom. APCNouvelles s’est entretenu avec lui au sujet du déploiement d’un internet à haut débit au Congo.
APCNouvelles : Vous vous êtes intéressé à la RDC. Pourquoi?
FM : Ma perception est que la RDC est l’un des derniers pays au monde qui n’a toujours pas de dorsale. Il s’agit aussi d’un vaste pays qui a les capacités techniques et financières pour se la procurer, si la stabilité sociale et politique tient la route. Il faut reconnaître que la RDC s’est engagée dans un développement économique incroyable par la filière hydro-électrique. Elle est donc tout à fait en mesure de relever ce défi.
APCNouvelles : Le but de cette étude est d’acheminer l’internet aux coins les plus reculés de la RDC, par le truchement d’une dorsale, soit une colonne vertébrale internet toujours absente. En quoi votre firme est-elle compétente pour étudier une telle question?
FM : Nous sommes une compagnie de génie-conseil. Les études de faisabilité font partie de notre métier. Nous faisons les plans, les demandes de permis, les interventions réglementaires et nous nous associons à la mise en place de l’infrastructure. Nous essayons de cibler les déploiements internet plus particulièrement.
Nous avions déjà réalisé une importante étude de faisabilité du réseau de la recherche et de l’éducation Pan Arabe. Il s’agissait d’un projet de dorsale internationale en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Mais l‘étude du Congo est l’un de nos plus grands projets. Nous avons mis les gros canons sur ce dossier-là.
Nos comptons aussi sur l’expérience avec le programme de réseaux privés de fibre optique « Villages branchés » qui s’est déroulé au Québec auprès de centaines de commissions scolaires et de bibliothèques. Avec ce dernier, nous ne nous sommes pas attiré les foudres des grands groupes de télécommunication. Au contraire, ils se sont plutôt associés. Il s’agissait d’un projet condominium.
APCNouvelles : Un projet condominium? De quoi s’agit-il?
FM : Nous préférons appeler le type de déploiement avancé par cette étude, un projet condominium à partage des coûts. En Afrique, on aime dire « open access » (accès ouvert).
APCNouvelles : Quelle est la différence entre la formule à « accès ouvert » et celle en « condominium » ?
FM : La notion d’accès ouvert n’implique pas nécessairement le partage des coûts. Un grand opérateur est généralement l’unique propriétaire, puis il revend ensuite le service à des coûts préférentiels à des opérateurs partenaires.
Notre modèle prévoit qu’un opérateur partage les coûts initiaux d’investissement dans une infrastructure avec des tierces parties, puis de même pour l’entretien. Je me considère moi-même comme Monsieur Open Access, mais les difficultés techniques surpassent grandement les bonnes intentions. Habituellement, il est plus rentable que chacune des parties assume sa part de l’investissement, en fonction de ses besoins techniques et ce, dès le jour un.
APCNouvelles : Auriez-vous un exemple à nous soumettre?
FM : En étant copropriétaire du réseau, les associés peuvent mettre des services en commun. Par exemple, il est possible de consolider des serveurs, la téléphonie, puis ainsi couper les frais autrement dépensées pour une connexion sous-utilisée. Au lieu de 30 lignes internet à fibre optique pour six écoles, on peut ainsi passer à dix lignes, que l’on divise par trois.
Il est relativement facile de faire de grandes distances sur fibre optique, sans devoir trop investir. Auparavant, les institutions s’en remettaient à des centrales téléphoniques. Aujourd’hui, il est possible de couvrir 120 km sur fibre noire, ce qui permet de faire des bonds. Il s’agit de la fibre optique dont la propriété est celle du client. Cette fibre n’est pas allumée en tout temps, donc noire. La vitesse de la connexion est en fonction de la capacité de payer de l’utilisateur.
APCNouvelles : Que recommandez-vous dans l’étude de faisabilité?
FM : Notre étude recommande un modèle hybride, mariant l’accès ouvert au condominium. Cette solution laisse beaucoup de latitude aux décideurs congolais. Notre but est de mettre les faits sur la table. Nous, ce que nous faisons, c’est d’identifier précisément les coûts impliqués dans le déploiement de l’internet par fibre optique.
Nous fournissons le « hard data » et sommes persuadés que nos coûts sont réalistes. Nos recommandations pointent d’ailleurs vers des dépenses absolument en deçà de toutes les études préalables. Le chiffre magique est de 500 millions de dollars US. Ce montant se situe en dessous de la barre placée par les institutions financières internationales et l’étude prouve pour la première fois que ceci est possible.
APCNouvelles : Mais en quoi la RDC a t-elle besoin de fibre optique?
FM : En RDC, il semble y avoir une compétition entre l’Office des postes et des télécommunications et les opérateurs de téléphonie sans fil, qui eux, privilégient la développement de l’internet par satellite. La fiabilité du service par satellite n’est pas remise en question. Mais dans les communications bidirectionnelles, telles la téléphonie par internet, la fibre optique fait loi. Elle est dix fois plus rapide pour des coûts étant de trois à quatre fois moins élevés. On ne fait pas d’innovation technologique avant d’arriver à ce rythme de croisière.
Or, le programme d‘électrification de la Société nationale d’électricité (SNEL) accompagnée de la technologie Wi-Max vient heurter les plans des opérateurs privés de téléphonie mobile à technologie GSM.
La SNEL est d’ailleurs un partenaire de choix. Ce serait très difficile de développer une dorsale à fibre optique en RDC sans la participation de la SNEL. Elle a la mission sociale d’électrification rurale et le parc au niveau de l’infrastructure [mais seulement à 50% des ambitions de l’étude]. Elle est consciente qu’elle a un rôle à jouer dans ce dossier.
A titre d’exemple, sur les 2500 km de courant continu sur la ligne Inga-Shaba, nous voyons qu’il est possible d’employer un autre type de fibre optique, soit en ADSS, installé à un coût véritablement inférieur aux tours APGW. La coût de pose de la fibre est moindre car la hauteur à laquelle elle doit être installée l’est, puis l’entretien s’en retrouve facilité.
APCNouvelles : Qui réalisera les travaux proposés dans l’étude?
FM : Ces décisions appartiennent aux Congolais. Le grand défi dans les prochains mandats est de créer une coalition nationale/internationale pour mettre en branle le projet. Les opérateurs, la SNEL, les acteurs internationaux, tous devront s’asseoir autour d’une table et discuter des modalités. La collaboration d’un grand équipementier international est déjà à portée de main.
Nous, nous pourrions investir dans les 700 tours qui restent à construire par le biais de notre compagnie sœur, Télécommunications Xittel, qui offre des services clé en main. J’imagine toutefois qu’un projet pilote, probablement à Kinshasa, devra d’abord faire ses preuve.
D’une manière ou d’une autre, Alternatives aura un rôle important à jouer dans le futur. Cette ONG occupe un rôle de conciliateur. C’est absolument nécessaire avec un aussi grand nombre de parties prenantes. L’équipe d’Alternatives a réussi à faire le lien entre les ressources locales, techniques et les autorités avec brio. Elle peut faire la part des choses et équilibrer les visées des différents intervenants.
Propos recueillis pas Frédéric Dubois pour APCNouvelles
Photo: François Ménard; Gracieuseté de Xit telecom inc.
RDC: Sans infrastructure électrique, pas de dorsale Internet?