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« J’ai commencé à m’intéresser à l’internet pendant mes études de licence en sciences de l’information. Mon mémoire, qui date de 1997, portait sur l’état de l’internet au Bénin », me raconte ce sympathique gaillard nommé Ken Lohento.

« J’ai commencé à m’intéresser à l’internet pendant mes études de licence en sciences de l’information. Mon mémoire, qui date de 1997, portait sur l’état de l’internet au Bénin », me raconte ce sympathique gaillard nommé Ken Lohento.

Nous sommes au Forum sur la Gouvernance de l’Internet (FGI), une rencontre des Nations unies qui prend place dans un hôtel de Rio avec vue sur plage. Entre le 12 et le 15 novembre, pour la deuxième fois depuis sa création, le FGI fait halte pour voir plus de 2000 technophiles défiler. Ken Lohento est l’une des figures de proue de la société civile africaine venue défendre une conception de l’internet pour le développement.

Après ses premiers pas dans la pataugeoire qu’était l’internet béninois de l’époque,  Lohento met en place l’association Oridev avec l’appui de quelques amis, avec pour mission de faire connaître les usages des technologies de l’information et de la communication (TIC).  Avant tout, Oridev organise des activités de sensibilisation des jeunes aux outils internet pour combler la très faible connaissance des enjeux et de l’utilisation de l’internet par les Béninois. La Fête de l’Internet n’est pas en reste et Oridev importera l’événement de France en 1999.

Une action désireuse d’en finir avec la fracture de développement

Mais  qu’est ce qui peut bien animer Lohento à s’investir tant pour faire avancer le net auprès de ses concitoyens? La réponse, sans équivoque, révèle l’âme profondément militante du jeune homme. « Dans ce secteur, j’ai reconnu les potentialités pour appuyer le développement ».

« En parler, en faire la promotion auprès du grand public, notamment des jeunes, voilà ce que j’ai identifié comme moyens pour s’en prendre à la fracture du développement », dit-il, juché devant son écran de portable dans la plénière d’ouverture du FGI. « Un jeune doit aujourd’hui être en compétition avec des jeunes de d’autres pays ». Cela est particulièrement vrai avec la mobilité au niveau de l’éducation. C’est pourquoi, me raconte-il avec une voix posée, « j’ai pensé qu’il serait utile de faire la promotion des TIC ».

De Cotonou à Rio avec une détermination de fer

Dix ans après s’être lancé corps et âme dans l’internet associatif, Lohento n’a rien perdu de son aplomb. Il est aujourd’hui coordonnateur du programme des nouvelles technologies à l’Institut Panos Afrique de l’Ouest, à Dakar, au Sénégal.

Rio de Janeiro, Dakar… et Cotonou alors, c’est oublié? Serais-ce que Lohento est devenu un « global player » en laissant le Bénin à l’histoire? Il s’en défend. « Je dois te dire que mon action ici à l’IGF est ponctuelle. Il s’agit seulement d’une partie de ce que je fais ».

Lohento semble en effet ne jamais avoir délaissé le terrain local. Au contraire, il a ajouté une action régionale et internationale, tout en faisant attention que ce ne soit pas au détriment des actions locales.

Au niveau international, dès 2004, Lohento considère que son association, Panos, a beaucoup contribuée à ce que les acteurs africains puissent être mieux informés. Le projet CIPACO que Lohento mène de front, a permis de rassembler du matériel d’information sur les TIC en un portail, organiser des ateliers de formation et sensibiliser les africains aux grandes questions qui touchent à l’internet.

« Au niveau régional, nous avons réalisé des activités sur la convergence entre médias et les télécommunications », souligne t-il. Son association a ainsi exploré la problématique émergente qui, à terme, aura un impact sur la mise en place et la gestion de l’internet.

Sur le plan national, Lohento et ses collègues ont formé des dizaines de journalistes aux questions relatives aux TIC. Ainsi, dans six pays d’Afrique de l’Ouest, les journalistes de la presse écrite, de la radio et de la télévision ont pu parler de la régulation des TIC, du commerce électronique et de la liberté d’expression en ligne.

« Tu vois », me lance Ken Lohento, « l’accès universel [à l’internet], j’y crois ».  Les usages innovants des nouvelles technologies par tous les acteurs, que ce soient les médias, les organisations de la société civile, les gouvernements, voilà ce que promeut Lohento là où il passe.

L’importance du FGI pour l’Afrique

L’intérêt du forum, c’est qu’il permet d’échanger des spécialistes de l’internet sur une problématique qui est importante mais pas très bien maîtrisée en Afrique. « La gouvernance de l’internet est un enjeu plutôt technique » explique Lohento. « La question des ressources critiques de l’internet [qui fait référence à la gestion des noms de domaine de sites web, de serveurs racine et des dorsales internet] par exemple, est quasi inconnu en Afrique ». Or, le FGI permet de dévoiler les rôles des différents acteurs provenant de la société civile, du secteur privé et des gouvernements.

Mais au-delà de la gouvernance technique de l’internet, Lohento reconnaît qu’il y un nombre d’enjeux qui doivent être discutés au niveau international. Il nomme alors la protection de la vie privée, la liberté d’expression, le multilinguisme, les questions d’accès à l’infrastructure, qui ont toutes un impact sur l’Afrique.

« Ce qu’on peut regretter, c’est le format du FGI. Il ne permet pas de trouver des solutions pour l’Afrique. Les organisateurs cherchent à ce que ce soit un espace de discussion, et non pas de décisions sur le financement et de connexion de l’Afrique », relève le Béninois. Contrairement au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), beaucoup d’acteurs d’Afrique sont désormais pessimistes ou ont leurs doutes quant à la pertinence du FGI. Le SMSI avait pris un certain nombre d’engagements pour mettre en échec la fracture numérique.

Les multiples chapeaux de Lohento

En plus de représenter l’Institut Panos Afrique de l’Ouest à Rio, Lohento est aussi membre du comité-conseil sur la gouvernance de l’internet, mis en place par les Nations unies. Ayant été proposé par des réseaux associatifs comme l’ACSIS et l’APC à l’époque, Lohento a été sélectionné pour représenter la société civile au sein de ce comité conseil.

C’est à partir de ce rôle qu’il a pu aider à articuler le programme du FGI de Rio. « On a pu inclure une nouvelle session sur les ressources critiques de l’internet. J’étais en faveur qu’on mette en place cette session là, puis nous l’avons obtenu », ajoute t-il fièrement. Ce rôle de représentant de la société civile lui va comme un gant, si bien qu’il tentera durant les quatre jours du FGI de Rio, d’avancer les enjeux chers à la société civile auprès des conférenciers.