CICEWA est un projet multidimensionnel, qui cherchait à lier de façon originale la recherche, les communications en recherche, la création de réseaux et le plaidoyer afin d’encourager le développement de réseaux entre la société civile et d’autres organisations pour amener un changement politique aux niveaux régional et national en Afrique centrale, de l’Est et de l’Ouest.
Les pays participants sont le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda et l’Ouganda en Afrique de l’Est et le Sénégal, le Cameroun, le Bénin, le Niger et la République du Congo en Afrique centrale et de l’Ouest.
Deux réseaux ont été mis en place, l’un pour l’Afrique de l’Est, dans les pays anglophones, et un autre pour les pays francophones à l’Ouest. Le réseau de l’Afrique de l’Est ICTD (EAICTD) a concentré ses activités de plaidoyer sur la gouvernance de l’internet, tandis que le réseau francophone GOReTIC a fait porter ses activités de plaidoyer sur la nécessité d‘établir et de gérer efficacement les fonds d’accès universel qui permettraient aux pays bénéficiaires de développer les infrastructures nécessaires au déploiement de la large bande dans les régions éloignées.
Les réseaux plaident pour un changement des politiques locales et nationales
Le réseau EAICTD a axé son travail sur la gouvernance de l’internet en organisant et en accueillant des forums nationaux et régionaux sur la gouvernance de l’internet (FGI), où les membres demandent l’abaissement du coût élevé de la connectivité, la nécessité de contenus et d’applications à prix abordable et du renforcement des capacités du personnel gouvernemental afin de diriger les initiatives de gouvernement électronique, ainsi que la nécessité d’établir des cadres politiques pour les lois sur les TIC et les cyberlois. CICEWA aidé le réseau EAICTD à plaider en faveur de ces sujets et de l’établissement de réseaux.
Cela a permis d’acquérir une meilleure compréhension des questions de gouvernance de l’internet et, par extension, leur capacité à plaider pour des changements. Grâce à une participation accrue aux discussions et au FGI de l’Afrique de l’Est, des occasions de collaborer étroitement avec les décideurs et les législateurs des TIC ont été créées, a déclaré l’Ougandaise Lilian Nalwoga de CIPESA et Goretti Amuriat de WOUGNET.
Tant les FGI régionaux et nationaux de l’Afrique de l’Est ont mis fortement l’accent sur la nécessité de se concentrer sur les priorités locales plutôt que de suivre l’ordre du jour mondial ou la façon de travailler des FGI.
Le fait que la société civile ait pu identifier de nouvelles questions telles que la nécessité d’intégrer les jeunes et les entrepreneurs aux consultations politiques sur les TIC et leur planification montre qu’elle a acquis la capacité de s’adapter et de plaider pour de nouvelles questions à mesure qu’elles se présentent. « Ce sont les nouveaux mots à la mode, les solutions de développement des affaires», explique Lilian Nalwoga.
Mais malgré l’intérêt des États et des entreprises, le réseau EAICTD a du mal à trouver l’appui de donateurs traditionnellement favorables aux TICpD pour les processus des FGI nationaux et régionaux.
Malgré une plus grande connaissance des questions promues aux FGI et par les grands réseaux, ces donateurs sont passés à autre chose, notamment les OMD, la réduction de la pauvreté et le changement climatique, ce qui laisse entrevoir une divergence dans la compréhension de l’importance des TIC et de la gouvernance de l’internet pour le développement.
Les réseaux aident les organisations à améliorer leurs capacités
Les représentants des deux réseaux ont noté la contribution des ateliers de renforcement des compétences en plaidoyer pour catalyser la croissance et la capacité organisationnelle, qui étaient mis de l’avant par CICEWA. Le réseau EAICTD a tenu son atelier de formation en plaidoyer pour planifier la deuxième phase de plaidoyer de CICEWA, du 25 au 28 mai 2009, au Lenana Centre, à Nairobi, au Kenya, alors que le réseau GOREeTIC a organisé un atelier de plaidoyer du 2 au 4 septembre 2009 à Douala au Cameroun, sous la direction de Sylvie Siyam et de Coura Fall.
Les membres du réseau GOREeTIC ont également fait état d’une confiance accrue dans la recherche et le plaidoyer. Certains, comme PROTEGE QV du Cameroun, n’avait jamais participé à des projets de recherche. « En termes de capacité organisationnelle, nous avons travaillé sur une étude des fonds d’accès universel. Notre capacité en recherche ainsi que notre capacité à présenter les résultats en ont été améliorées. Il nous a fallu apprendre à faire ce type de travail car nous ne l’avions jamais fait auparavant » a déclaré Sylvie Syiam, directrice de PROTEGE QV.
PROTEGE QV a mis à profit sa participation au projet CICEWA pour acquérir une nouvelle compétence qui a depuis donné lieu à de nouvelles opportunités de recherche – dans le cadre d’un projet financé par le CRDI sur l’impact de l‘éducation dans les régions rurales – et a également ouvert la possibilité d’une collaboration avec un nouveau ministre des Communications.
« La recherche nous a fait prendre conscience de ce qui se passe. Le gouvernement a déjà installé 34 télécentres et en installera 300 au Cameroun. Le fait que nous ayons travaillé sur CICEWA nous a fait remettre en question son approche et son efficacité pour améliorer l’accès de la population. C’est à ce moment là que nous avons proposé cette recherche au CRDI », conclut Sylvie Syiam.
Accès à l’information nécessaire représente un grand défi
L’accès à l’information est un problème majeur qui nuit souvent à la recherche et au plaidoyer.
Au Bénin, le personnel de Bénin Télécom n’a accepté de parler que sous couvert d’anonymat, d’où la difficulté d’étayer l’information qu’il nous donnait, et n‘était pas disposé à intervenir dans débats radiophoniques ou d’autres médias.
Au Sénégal, Coura Fall s’est plainte des demandes de pots-de-vin « chaque fois que nous avions besoin de parler à quelqu’un du gouvernement ou à un journaliste ». « Il a toujours été difficile d’obtenir les informations dont nous avions besoin » dit-elle.
Il existait un décalage important entre la compréhension des réseaux de plaidoyer qui voient l’accès à l’information et à la connaissance par l’internet comme des droits humains ou des questions de développement et la compréhension des médias et des groupes de réflexion locaux.
« Au Congo, il est difficile d’amener les médias à aller au-delà de la simple communication d’un événement et à présenter une analyse en profondeur des questions de fond liées aux TIC » observe Sylvie Niombo d’Azur Développement, membre du réseau GOREeTIC au Congo.
*CICEWA rend légitime les organisations *
Malgré les difficultés, de nombreux membres de GOREeTIC pensent que leur visibilité au sein du secteur national des TIC – et pour certains dans la région – s’est renforcée à la suite de leur participation à la recherche et au plaidoyer de CICEWA sur les fonds d’accès universel.
Cette légitimité accrue leur a permis de nouer des relations dans d’autres secteurs comme l‘éducation, la santé et l’agriculture, ce qui leur permet de mieux promouvoir l’intérêt des TIC et le rôle de l’information dans le développement et la gouvernance de l’internet.
Pour Oridev du Bénin, les partenariats au sein du réseau GOREeTIC régional sont aussi utiles que les partenaires nationaux.
« L’organisation est sorti du projet renforcée en raison de la formation de nouveaux partenariats avec d’autres organisations ayant des objectifs similaires et qui ont toutes travaillé au projet CICEWA. Le réseau Oridev et sa base se sont étendus simplement en travaillant avec d’autres organisations qui connaissent et soutiennent maintenant notre cause, même si ce ne sont pas des organisations œuvrant pour les TIC, comme Créaction Bénin et Nouvelles perspectives Afrique, une organisation de la société civile qui mène des activités de plaidoyer sur de nombreuses questions » a indiqué Barnabe Affoungnon.
Une visibilité accrue et plus légitime facilite également l’accès aux leaders politiques et aux décideurs, sans lesquels il est difficile de faire progresser les positions et les questions. « Le fait que nous ayons rencontré le ministre des Télécommunications notamment a changé notre place dans le secteur des TIC. Cela nous a légitimé et nous a donné plus d’importance au sein du secteur; les gens nous prennent plus au sérieux parce que notre recherche comportait des chiffres nouveaux et précis.
Nous avons parlé à l’ancien ministre et au nouveau et on nous a invités à leur faire part de nos données. Nous avons pu également obtenir le soutien du ministre pour nos nouveaux projets » a souligné Sylvie Syiam de Protege QV.
Adaptabilité et flexibilité: deux éléments essentiels
Au Niger, un coup d’Etat a obligé GOREeTIC à changer d’orientation et de stratégie et à travailler plus étroitement avec les femmes et les jeunes. « Nous avons connu des troubles politiques, et les autorités étaient plus préoccupés par des questions de politique plus générales que ce dont nous nous occupions. C’est pourquoi nous avons vraiment axé notre travail sur les jeunes et les femmes. […] Notre plus grande réussite a été la formation des jeunes et leur mobilisation.
Pour moi, cela a été le travail le plus gratifiant et intéressant – de voir leur enthousiasme » explique Wilfrid Mama de Alternatives Niger.
Cette décision de recentrer le plaidoyer – et d’inclure une composante de renforcement des capacités ciblant les femmes et les jeunes – témoigne de la force et de la confiance du partenaire GOREeTIC à changer d’orientation lorsque la situation politique n’a plus permis de mettre en œuvre leurs plans de plaidoyer originaux qui portaient sur les fonds d’accès universel. Le partenaire GOREeTIC du Niger a malgré tout réussi à mieux faire connaître les questions d’accès aux TIC au niveau national, mais a dû cibler un public qui était en marge de la stratégie de plaidoyer original.
Le réseautage en ligne reste difficile
Pourtant, les grandes distances et l’insuffisance des infrastructures, le prix élevé de la connexion et la difficulté à se rencontrer en personne avec les membres des réseaux de TIC ont parfois compliqué le maintien des relations de travail.
La nature même du travail en ligne en Afrique est en soi un défi, a noté Coura Fall du Sénégal. Elle explique : « Le réseautage a été difficile car nous étions tous répartis sur une grande région géographique et que le travail virtuel en Afrique est loin d‘être idéal ».
Photo par cfarivar. Utilisé avec permission sous la licence Creative Commons 2.0